Dans le cadre du procès lié aux attentats de la place Saint-Lambert de 2012, la Cour constitutionnelle a été amenée à rappeler que l’Etat belge peut être tenu responsable des fautes commises par ses agents.
Pour la première fois en 1920, dans un arrêt dit « La Flandria », la Cour de cassation a reconnu que l’Etat belge pouvait être reconnu juridiquement responsable de ses actes comme n’importe lequel de ces citoyens sur la base de la responsabilité dite aquillienne.
Cette responsabilité requiert que trois éléments soient démontrés :
1- La faute de l’Etat belge, qu’il s’agisse d’une faute de gestion ou d’une illégalité fautive dans ses décisions commises par l’un de ses représentants.
2- L’existence d’un dommage subit par un tiers.
3- Un lien causal entre la faute et le dommage subi.
Dans l’hypothèse où l’ensemble de ces éléments sont démontrés, l’État belge devra être condamné à réparer les dommages causés, notamment par le paiement de dommage et intérêts.
Récemment, la Cour constitutionnelle a rappelé ce principe, tout en y ajoutant des précisons importantes. En effet, elle a été amenée à se prononcer sur la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat belge à la suite d’une mauvaise décision judiciaire prononcée par un juge (lui-même représentant de l’Etat).
Le contexte est celui des attentats de la place Saint-Lambert. Le Tribunal d’application des peines avait en effet décidé la remise en liberté de l’auteur des faits peu de temps avant qu’ils se produisent.
Afin de voir leur dommage soulagé, les familles des victimes ont demandé réparation non seulement au tireur, mais également à l’Etat qui l’avait fautivement remis en liberté.
Dans ce cadre, la Cour constitutionnelle a jugé, fin janvier 2021, que l’Etat peut bel et bien être tenu responsable du dommage subi par les familles, si celui-ci découle de la faute du magistrat ayant libéré le tueur.
Cette décision, qui confirme en réalité les principes de l’Etat de droit, rappelle que l’État est responsable des décisions de ses représentants, peu importe leur statut (fonctionnaire, juge, parlementaire, ministre, etc.).
Elle affirme en outre que, en principe, cette responsabilité est engagée par leur faute, même simple, sans qu’il ne soit nécessaire que celle-ci soit grave ou circonstanciée.
Un parallèle peut être osé avec la gestion de la crise liée à Covid-19, où il n’est plus question de juge, mais de ministre.
Depuis l’apparition de la pandémie, il y a près d’un an déjà, un nombre important de mesures ont été prises par les autorités de l’État.
Bon nombre de ces mesures, agissements et positions de l’Etat belge posent cependant question. Non seulement du point de vue des potentielles infractions faites aux libertés fondamentales, mais également de la gestion de la crise qui ne manquera pas de laisser pantois, et ce à divers égards.
D’un point de vue chronologique, les prises de décisions de l’État belge sont tout d’abord critiquables dans sa gestion préventive de la crise. Les nombreuses mises en garde des experts depuis plusieurs mois auraient dû être entendues et les mesures de prévention prises en conséquence.
Rappelons à cet égard que l’État belge a délibérément décidé de détruire son stock d’une trentaine de millions de masque de 2015 à 2018. La lenteur avec laquelle l’État a été en mesure de procurer des masques par la suite n’a bien entendu pas amélioré la situation.
Concernant la gestion de la crise depuis l’apparition de la pandémie, nul ne pourra ignorer le manque de cohérence des mesures prises par le gouvernement belge. La cacophonie généralisée dans la prise de décision va à l’encontre de tout bon sens.
Outre le manque de cohérence des décisions prises par les autorités gouvernementales, il peut notamment être reproché à l’État :
De légiférer de manière absconse ;
De manquer cruellement de transparence ;
De laisser ses experts contredire les mesures gouvernementales (ou les autres experts) ;
De ne pas savoir déployer des capacités de testing ou de vaccination en nombre suffisant ;
D’avoir ostraciser certains secteurs (par exemple l’HoReCa) comme « responsable » de la crise.
Les conséquences sont évidentes. Au-delà des mesures de fermeture imposée et de l’important manque à gagner que celles-ci ont entrainé, le manque de cohérence et de communication efficace a rendu impossible pour les commerçants de mettre en oeuvre les mesures utiles en vue d’amortir au mieux les impacts économiques importants des décisions de l’État.
Dans la mesure où tant la gestion de la crise par l’État que la pandémie de Covid-19 elle-même sont à la source de la situation de détresse connue par bon nombre de commerçants, et comme l’a rappelé la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 21 janvier dernier, une action en responsabilité contre l’État belge peut être envisagée afin de solliciter la réparation des dommages subis.