L’entreprise constituée par un seul époux : propriété en cas de divorce et droits des créanciers
Les droits des créanciers d’un époux endetté pour l’exercice de sa profession peuvent effrayer son conjoint non-commerçant. A l’inverse, la possibilité pour un époux entrepreneur de voir son entreprise individuelle partagée en deux en cas de divorce, peut l’inquiéter.
Lorsque l’époux exerçant une activité en personne physique est marié sous un régime de séparation de biens (« avec contrat de mariage »), son entreprise, tout comme ses dettes, lui restent personnelles. Les créanciers professionnels ne disposent d’aucun droit sur le patrimoine du conjoint, sauf si ce dernier s’est porté caution personnelle (lors de la signature d’un prêt professionnel, par exemple). A l’inverse, le conjoint non-commerçant ne peut revendiquer aucune part dans cette entreprise, pour autant que l’époux commerçant affecte une partie de ses revenus aux charges du ménage (art. 221 C. civ.). L’importance de ce versement est proportionnel aux revenus perçus par chacun des époux (par exemple 2/3 et 1/3 pour des époux gagnant respectivement 2.000 et 1.000 € mensuels).
Un régime plus complexe s’applique aux époux mariés sous le régime légal (« sans contrat de mariage »). En effet, si une activité professionnelle a été entamée par un des époux avant son mariage, elle lui restera, en règle, personnelle (article 1399, alinéa 1er, C. civ.). A nouveau, son conjoint n’aura aucun droit sur la valeur de l’entreprise pour autant que l’époux verse une partie de ses revenus pour les dépenses du ménage (art. 221 C. civ.).
Quant aux droits des créanciers professionnels dans cette hypothèse, il faut à nouveau distinguer : lorsque la dette professionnelle a été contractée avant le mariage, celle-ci pèse uniquement sur le commerçant (art. 1409 C. civ.). Elle ne pourra être poursuivie que sur l’argent et les biens personnels de l’époux commerçant et non sur le patrimoine commun ou propre de l’autre conjoint, sauf si et dans la mesure où le patrimoine commun a absorbé des biens propres, l’absorption devant être prouvée par le créancier (art. 1410 C. civ.).
Lorsqu’une entreprise est créée par un époux durant le mariage, sa propriété et sa valeur appartiendront au contraire aux deux époux, quand bien même seul l’un deux s’impliquerait dans cette activité. Ainsi, outre le versement d’une partie de ses revenus pour faire face aux dépenses du ménage, l’époux commerçant devra également partager la valeur de son entreprise par moitié en cas de divorce. De façon parallèle, la dette professionnelle contractée par l’un des époux durant le mariage est commune, mais elle ne sera récupérable par les créanciers que sur le patrimoine commun et l’argent propre de l’époux commerçant (art. 1414, 4° C. civ.).
Il est cependant important de noter que les dettes fiscales relatives aux revenus professionnels obéissent à un régime particulier : durant le mariage, elles peuvent être recouvrées sur les trois patrimoines des époux, en ce compris sur le patrimoine propre de l’époux non-contribuable, à deux exceptions près (art. 394, § 1er, al. 2, C.I.R.).
Un dernier point mérite encore d’être souligné. Lorsqu’un époux exerce seul une activité professionnelle, il dispose d’un pouvoir de gestion exclusif à l’égard de celle-ci, qu’elle soit commune aux époux ou propre dans son chef (art. 1417 C. civ.). Ceci signifie que l’époux commerçant peut accomplir seul tous les actes nécessaires à l’exercice de sa profession. Certains auteurs considèrent cependant que l’accord des deux époux est requis lorsqu’il s’agit d’acquérir, de céder ou de donner en gage un fonds de commerce (art. 1418, 1b), C. civ.).